Les flottes commandent tellement de camions neufs que les manufacturiers ne peuvent suivre la cadence à cause des difficultés encourues par les usines de production d’obtenir les pièces et autres composants requis des fournisseurs. Les délais de livraison sont de plus en plus longs alors que la production prend du retard parce que les flottes préfèrent commander plus rapidement pour tenter d’obtenir de l’espace sur les lignes de production plutôt que d’attendre. Les ventes de véhicules de classe en Amérique du Nord totalisent plus de 411 000 unités au cours des 12 derniers mois.
« La demande pour des camions de classe 8 augmente sans cesse à cause de la hausse de la demande pour le transport de fret et de la capacité extrêmement serrée de l’industrie du camionnage », de dire Don Ake, vice-président des véhicules commerciaux chez FTR. « Toutefois la livraison est la proie de contraintes résultant du fait que les fournisseurs et de pièces et composants ne peuvent suffire à la demande des manufacturiers de camions qui accusent donc du retard dans la production. Ce goulot incite les flottes à placer des commandes malgré tout afin de recevoir les nouveaux camions plus rapidement dès qu’ils seront disponibles. »
Les manufacturiers de camions de classe 8 ne nient aucunement que la cadence soit un peu plus tendue en ce moment. Chez Volvo Trucks North America, le porte-parole Brandon Borgna a déclaré : « Effectivement, la force actuelle du marché des camions de classe 8 met énormément de pression sur la capacité des fournisseurs à travers l’industrie. Chez Volvo, nous travaillons à minimiser les effets de cette pression sur notre système de production à l’usine River Valley de Dublin en Virginie alors que l’accueil que nos clients ont réservé aux nouvelles séries VNR et VNL est très positive et l’afflux de commandes en témoigne. Nous encourageons nos clients à travailler avec leur concessionnaire de camions Volvo afin de discuter de leurs besoins. »
Les transporteurs et les gestionnaires de flottes ont désespérément besoin d’équipement mais il y a des ruptures d’inventaire pour les camions. Cette pénurie engendre un nombre incroyable de commandes pour des camions de classe 8 de la part de flottes qui se retrouvent dans une situation particulière. « Si les manufacturiers de camions pouvaient produire à pleine capacité dans leurs usines respectives, ils pourraient en construire 360 000 unités en 2018 », de poursuivre Don Ake, qui croit que ce goulot dans la chaîne d’approvisionnement représente une menace économique importante.
« Le marché des camions de classe 8 roule à plein régime cette année et cela se traduit par des défis de taille pour nos fournisseurs dans l’industrie des véhicules lourds », explique Jonathan Randall, vice-président senior ventes nord-américaines et marketing chez Mack Trucks. « Nous travaillons étroitement avec nos fournisseurs afin de minimiser les impacts sur notre production. De plus, le nouveau Mack Anthem génère de la demande de la part des clients. Il nous est impossible de discuter des spécificités par rapport à nos délais de livraison et notre production, nous invitons nos clients à communiquer avec les concessionnaires Mack pour s’enquérir sur le statut de leurs commandes. »
L’index PMI (Purchasing Managers Index) de l’Institute for Supply Management a atteint 60.2 en juin dernier, soit plus que la note de 58.7 du mois de mai précédent. Une note de plus de 50 représentant une croissance soutenue, 60.2 traduit une croissance plutôt robuste. Cela ne veut pas dire pour autant dire que tout va pour le mieux dans le secteur manufacturier. Des données qui ne peuvent être ignorées dans le sous-index indiquent que les livraisons des manufacturiers ont ralenti de façon importante au mois de juin. Normalement, le manque de main-d’oeuvre est la principale raison d’un tel ralentissement.
« Tous s’accordent à dire que la force du marché repose sur le PIB au Canada et aux États-Unis ainsi que sur les bas taux de chômage et une industrie de construction vigoureuse. Les usines de Kenworth de Chillicothe en Ohio et de Renton, dans l’état de Washington fonctionnent à plein régime tout comme l’usine de PACCAR à Sainte-Thérèse, afin de rencontrer le haut volume de commandes provenant des gestionnaires de flotte et des opérateurs pour le nouveau camion de route Kenworth T680 et notre chef de file vocationnel Kenworth T880 ainsi que nos modèles conventionnels de classe moyenne T270 et T370. Plusieurs clients placent déjà des commandes pour 2019 », affirme Kurt Swihart, directeur du marketing chez Kenworth.
Si cette rareté de la main-d’oeuvre se répercute au sein des fournisseurs d’une usine de production, la chaîne d’approvisionnement peut en être gravement affectée et les cédules de production et de livraison ne peuvent plus être respectées. La croissance économique actuelle est d’une telle force que toutes les entreprises doivent piger dans le même bassin pour recruter de la main-d’oeuvre et cette dernière se fait de plus en plus rare. « Toutes ces conditions problématiques sont bien présentes dans l’industrie des équipements de classe 8 », de poursuivre Don Ake. « Les chiffres précis sont difficiles à obtenir mais des sources à l’intérieur de l’industrie me disent que plus de 30 pièces donnent du fil à retordre aux usines de camions parce qu’elles sont de plus en plus rares sur le marché. Il y aurait présentement plus de 10 000, peut-être même 15 000 camions neufs manquant des pièces stationnés dans les cours des usines en attente des composants requis pour les compléter. »
« Chez Daimler Freightliner, nous acceptons présentement des commandes qui seront livrées en 2019. Avec les demandes pour des camions de classe 8 qui ne cessent d’augmenter, il a fallu mettre de le pression sur nos niveaux de production et toute l’industrie fait face à des contraintes d’approvisionnement et des délais de livraison s’en suivent », déclare Paige Jarmer, porte parole pour Daimler Freightliner. « Dernièrement, nous avons commencé à entrevoir que la situation s’améliorait quelque peu. Avec la quantité de commandes entrant en 2018, nous sommes reconnaissants envers nos clients et la confiance qu’ils placent dans notre réseau de concessionnaires et nos camions. »
Il n’y a pas de boule de cristal pour prédire quand le goulot d’étranglement cessera et même si les éléments manquants finiront par arriver à l’usine, il faudra trouver le moyen de livrer tous ces camions à leurs nouveaux propriétaires. Ceci présentait déjà un problème de logistique il y a plusieurs mois alors que les manufacturiers de camions peinaient à trouver des chauffeurs pour livrer les camions avant le goulot. Inutile de spécifier que la pénurie de chauffeurs représente un problème bien réel dans le monde industriel de nos jours et qu’aucune solution miracle ne pointe à l’horizon.
« La majorité des discussions sur les tarifs douaniers imposés par le Président Trump sur certain produits importés aux États-Unis sont concentrées sur les prix. Toutefois, il ne serait pas surprenant que ces tarifs aient un impact négatif sur la chaîne d’approvisionnement à court terme », continue Ake. « Les serpentine en aluminium venant de Chine et les inventaires d’acier provenant d’autres pays pourraient bien être dévoyés à cause des tarifs. Les manufacturiers américains auront besoin de ces composants pour construire des biens. Pour une chaîne d’approvisionnement performant déjà au ralenti, les tarifs ne font qu’ajouter aux problèmes. À un certain moment, le manque de capacité de camionnage, en partie à cause du manque de camions neufs, pourrait freiner la croissance économique. »
Par Guy Hébert