Pour son marché mondial, excluant le marché nord-américain, Volvo Trucks fabrique dans trois usines, en France, en Belgique et bien entendu à Göteborg même en Suède, une version électrifiée à batterie de toute sa gamme de camions. Du FL et FE poids moyens, aux FM, FMX et FH lourds, deux, trois et même quatre essieux, version porteur ou tracteur, bref, s’il existe avec moteur diesel, il est maintenant aussi disponible en motorisation électrique.
C’est donc avec tout l’enthousiasme et l’excitation d’un gamin de 10 ans, mais oui, avec le sens critique d’un vieux routier, que j’ai eu le plaisir de faire l’essai de plusieurs de ces camions. Et je n’ai définitivement pas été déçu!
Bon, précisons que j’ai déjà un faible pour les camions à cabine basculante pour les applications urbaines. Et soulignons aussi qu’au-delà des différences qui sautent aux yeux, le décalage technologique entre l’Europe et l’Amérique du Nord est toujours bien présent, avec des caractéristiques et une ergonomie enviables. Mais là n’est pas la question. La vraie question est plus simple et crue : est-ce que ça marche?

La réponse : OUI!
Mon premier essai, celui qui m’intéressait particulièrement, s’est déroulé avec la version électrique du FMX 6X2. Avec son essieu avant de 10 tonnes et son essieu arrière de 19 tonnes, le FMX mis à l’essai a un poids nominal brut de 28 tonnes. En bonne vieille mesure impériale, on parle donc de près de 62 000 livres de capacité. Je monte donc à bord (beaucoup plus facile qu’auparavant avec une première marche près du sol), je m’installe et observe l’environnement chauffeur. Quelques différences notables, mais après quelques secondes à peine, me voilà prêt à partir le moteur… Euh… Quel moteur? Bref, on démarre!
Dès le début de la piste d’essai, on affronte une pente raide de 12% d’inclinaison. Alors, pied sur l’accélérateur, je m’assure que le camion monte cette pente. Je me tourne vers mon co-pilote de Volvo Trucks, et lui dit : « Bon, c’est bien, mais bien beau, mais une fois chargé, ça risque d’être un peu lent, non? ». Sa réponse est directe : « Mais on est chargé à pleine capacité! ». « Quoi??? ».

Et c’est ici que j’apprends un détail important. Selon la gamme et l’application, les camions Volvo européens sont dotés d’un, de deux ou de trois moteurs électriques, et couplés à une transmission de deux vitesses ou, comme dans le cas du FMX à l’essai, d’une transmission I-Shift de 12 vitesses! Avec ses 5 batteries et un total de 450 kWh, pas surprenant que le FMX, même avec près de 20 tonnes dans la boîte, affiche une telle performance! Côté freinage par régénération, là aussi, on reste surpris. L’autonomie prévue? Jusqu’à 240 kilomètres, soit parfait pour une application urbaine ou de courte distance.
Et pour la manœuvrabilité, eh bien, c’est un camion à cabine basculante haute technologie! Alors, en plus du silence et de l’absence de vibration, quand on pense au défaut habituel d’une cabine située directement au-dessus d’un moteur diesel, on se retrouve avec un camion à benne basculante tout-à-fait formidable. D’où l’autre question qui tue : pourquoi ne pas les importer en Amérique du Nord? Le FMX en particulier ferait pourtant ici un excellent camion à benne municipal. J’y reviendrai.
Deuxième et troisième essais : le FM électrique 6X2 et le FH 4X2, version Globetrotter. Le haut de la gamme, quoi. Et ce qui se rapproche le plus de ce que Volvo nous offre en Amérique du Nord avec le VNR. Là encore, un peu de jalousie devant les technologies et le design européen, tant à l’intérieur du camion qu’à l’extérieur avec ses rétroviseurs profilés et son look impressionnant. Avec son essieu avant de 9 tonnes et arrière de 19 tonnes, le FM 6X2, un porteur couplé à une remorque, a un PNBC de 44 tonnes métriques, soit 97 000 lb. Le FH 4X2, avec un essieu avant de 8,5 tonnes et un essieu arrière de 12 tonnes, offre un PNBC de 40 tonnes, ou un peu plus de 88 000 livres. Les deux étaient dotés de trois moteurs et de la I-Shift, et offraient une autonomie estimée à 300 kilomètres.


Encore là, je reste épaté par la puissance en pente et l’accélération sur route plane. Et c’est ici que j’apprends un deuxième secret : la direction assistée Volvo Dynamic Steering (VDS) en est à sa deuxième génération en Europe! J’avais eu le plaisir de faire l’essai de ce système à contrôle numérique du comportement de la direction sur le VNR sur la piste du centre client de Volvo Amérique du Nord. Et si j’avais apprécié le fait que le VDS absorbait les irrégularités de la route pour une conduite plus en douceur, et j’étais resté un peu sceptique, la réponse du volant étant un peu trop souple à mon goût. Mais la deuxième version du VDS corrige entièrement ce problème avec des ajustements programmables, ce qui donne une conduite souple mais ferme et précise. Chez Volvo, on me confirme que cette deuxième version du VDS sera disponible ici sur le VNR sous peu.
L’Amérique du Nord versus le Monde
Chaque fois que j’ai l’occasion de conduire des camions européens, je suis partagé entre la jalousie et un questionnement : pourquoi ne pas importer ici des camions qui, pourtant, font très bien le boulot dans des climats aussi froids que le nôtre, et dans des applications parfois plus rudes encore que les nôtres? Car si vous pensez que ça charge léger en Europe, détrompez-vous! Oui, il y a la question des distances, mais entre Hanovre en Allemagne et Madrid en Espagne, ou entre Copenhague au Danemark à Rome en Italie, il y a plus de 2000 km.
La réponse courte non avouée: le marché américain ne veut pas des camions européens à cabine basculante. Lire ici le marché des USA! Alors, à l’heure où près de 70% des camions vendus en Amérique du Nord le sont par des constructeurs dont la maison-mère est en Europe, nous restons en retard sur certaines avancées technologiques.
Je me suis aussi interrogé sur les raisons expliquant qu’ici, le VNR électrique de Volvo soit doté de deux moteurs électriques et d’une transmission à deux rapports, alors que son équivalent en Europe est muni de trois moteurs et de la transmission I-Shift de Volvo.
« Plusieurs facteurs ont mené à ce que le VNR électrique soit conçu avec deux moteurs et deux rapports de transmission au lieu de trois moteurs et 12 rapports utilisés par la gamme européenne de véhicules électriques à batterie (VEB) », nous dit Bobby Compton, Directeur du marketing produit pour le transport régional chez Volvo Trucks North America. « Pour le marché nord-américain et le VNR électrique, le cycle d’opération s’adapte bien au concept des deux moteurs avec transmission à deux vitesses. Cette configuration nous permet d’atteindre des vitesses routières plus élevées tout en maintenant la capacité de démarrage. Aux États-Unis, les PNBC des VEB sont de 82 000 livres ou moins, et les camions n’ont pas besoin d’une plus grande capacité de démarrage qui est requise en Europe en raison des limites de poids plus élevées. De plus, les vitesses autoroutières sont plus basses en Europe qu’en Amérique du Nord. Alors que nous continuons de concevoir les prochains produits VEB pour l’Amérique du Nord, nous évaluons certainement toutes les possibilités de chaînes cinématiques et c’est peut-être quelque chose qu’on verra ici éventuellement. »

J’ai aussi, à répétition, questionné nos hôtes à Göteborg sur les raisons qui expliquent qu’en Europe, Volvo offre une gamme complète de camions électriques, alors qu’ici, nous n’avons pour l’instant que le VNR. Avec beaucoup de tact et, il faut dire, un peu d’agacement face à mes questions répétées, on m’a donné une sorte de « No comment » poli. Je me permettrai ici une hypothèse : alors qu’en Europe, les camions Volvo au diesel couvrent toute la gamme, Volvo Trucks Amérique du Nord s’est concentrée sur le marché du tracteur routier et du porteur de classe 8. Est-ce que l’arrivée du MD électrique chez la compagnie sœur, Mack, viendra couvrir ce marché, avec les mêmes technologies qu’on retrouve dans les FL et FE en Europe? Mon petit doigt me dit que ce n’est pas exclus.
Une chose est sûre : la gamme de camions électriques Volvo en Europe est assurément prête pour une mise en marché à grande échelle, avec un produit de haute qualité, haute technologie, une puissance surprenante et une conduite absolument irréprochable. Et des 17 camions disponibles pour essai sur piste à Göteborg, aucun n’est tombé en panne, aucun n’a eu de complication quelconque. La technologie est à point. Ah… mais pourquoi… pourquoi on ne les a pas ici!