Des essais convaincants
Au cours de la dernière année, 5 camions électriques ont été mis à l’essai par l’IVI en conditions réelles chez des transporteurs d’ici. Inter-Nord, Cascades Transport, Smart Transport, Les Brasseries Sleeman et Transport Levasse – Globco ont pu tester un camion et une borne de recharge durant un mois chacun. Des véhicules de Freightliner, Peterbilt, Kenworth et Lion ont substitué les camions diesel de ces entreprises suite à une analyse des déplacements estimant qu’ils pourraient être remplacés avec succès par un camion électrique.
Les conducteurs attitrés aux essais ont eu pour consigne de parcourir leurs routes habituelles, sans adapter leur conduite. Chaque camion a ainsi parcouru plus de 2000 km, révélant une économie potentielle de 38 à 75 % sur les coûts énergétiques comparativement à un homologue au diesel.
Disposant d’une autonomie réelle de 200 à 350 km, les cinq camions ont en moyenne parcouru 140 kilomètres par jour et terminé leurs journées avec 37 % de batterie restante. Ceci englobe des camions ayant des autonomies différentes, et la conduite en toute saison.
Les commentaires des gestionnaires et des conducteurs ont été unanimes : Les essais ont grandement aidé à évaluer les intentions d’achat d’un camion électrique, souvent de façon favorable.
Six conseils rapides pour débuter son processus d’électrification
La phase préliminaire aux essais, où 60 camions diesel des participants au projet ont parcouru 818 000 kilomètres en 9 mois, a permis de sélectionner ces 5 entreprises chanceuses. Cette analyse a nécessité la création d’un algorithme de calcul de la taille de batterie nécessaire selon les déplacements, et a fait ressortir six recommandations pour s’assurer la possibilité de remplacer un camion diesel par un électrique et ce, du jour au lendemain, sans adaptation des opérations :
- Parcourir moins de 200 kilomètres par jour (plus la distance est grande, plus le projet sera rentable)
- Revenir au terminal à chaque fin de journée
- Opérer sur un seul quart de travail
- Cibler un véhicule muni d’une boîte sèche, sans accessoire
s(un hayon et un chariot embarqué ayant sa propre source d’énergie sont acceptables) - Circuler principalement à des vitesses peu élevées (limiter les trajets à vitesse d’autoroute)
- Transporter des chargements peu élevées (20 000 lbs ou moins)
Vingt des soixante véhicules étudiés répondaient à tous ces critères, soit le tiers de l’échantillon. De plus, certains camions sortant de ces paramètres présentaient tout de même un potentiel d’électrification, nécessitant quelques adaptations. C’est le cas de Smart Transport, dont les chauffeurs ont fait l’essai d’un Lion6 au beau milieu de l’hiver. Alors que l’étude prévoyait un besoin supérieur à l’autonomie offerte par temps froid, les gestionnaires ont fait preuve de flexibilité dans la planification des routes et ont effectué des livraisons plus proches de leur dépôt. Finalement, l’entreprise a réussi à compléter des journées aussi longues qu’à l’habitude. L’essai s’est montré si convaincant que les gestionnaires de Smart Transport ont procédé à l’acquisition d’un camion électrique peu après.
Qu’en est-il de la performance en contexte hivernal ?
Les essais ont pu confirmer que plusieurs camions ont une autonomie réelle dépassant 300 kilomètres. Malgré ceci, l’IVI recommande l’électrification lorsqu’une route peut être complétée en toute saison. Les observations faites durant les essais ont permis de mesurer une diminution de l’autonomie de 30 % pour l’ensemble de la saison hivernale. Alors que les journées plus chaudes de l’hiver, lorsque le mercure avoisine 0°C, ne font perdre que 15 % d’autonomie, les plus grands froids de janvier peuvent faire diminuer celle-ci de 45 %. Les grosses tempêtes de neige, telle que celle vécue par un conducteur de Sleeman, font diminuer l’autonomie autant que les températures des pires froids. Un camion électrique peut donc nécessiter plus de planification selon les prévisions météorologiques. Heureusement, ces conditions extrêmes ne se produisent que 5 à 10 fois par année, en moyenne.
La recharge, plus simple qu’on le pense !
Si le fait de fournir une borne de puissance relativement faible pour les essais (50 kW) peut sembler contre-intuitif pour certains, qui souhaiteraient avoir la possibilité de repartir au plus vite, l’IVI préconise d’installer l’infrastructure de recharge la moins puissante possible et d’utiliser chaque heure d’arrêt disponible. Ceci permet de diminuer les frais reliés aux appels de puissance. Les résultats des cinq essais sont éloquents : une borne de 50 kW a suffi à recharger complètement les camions en 4 heures, laissant au moins huit heures additionnelles inutilisées. La recharge la plus longue de tout le projet, suivant une journée de 303 kilomètres, a duré 9 heures. Il restait encore quatre heures disponibles avant le retour au travail du conducteur d’Inter-Nord cette journée-là.
En conclusion
Les véhicules lourds électriques en sont à leurs balbutiements dans la province et les particularités de leur opération sont encore peu connues dans l’industrie. L’Institut du Véhicule Innovant espère que la publication des rapports d’essais sur le site web flotterechargeable.ca, les capsules vidéo, les évènements organisés au courant du projet et les multiples conférences présentées inspireront le passage à l’action.
En conclusion, l’électrification des parcs de camions lourds est tout à fait réaliste au Québec dans plusieurs secteurs du transport de marchandises, mais elle doit se faire une route à la fois, en identifiant les véhicules où les conditions gagnantes sont présentes.