C’est John Farmer du fabricant de gypse Westroc qui le fera passer de camionneur à propriétaire de flotte. Pierre transportait déjà des chargements pour cette entreprise quand le directeur du transport lui offre de lui fournir un camion et une remorque pour transporter à temps plein pour Westroc.
« Je lui ai dit que j’aimerais bien ça, mais avec mes cheveux longs et pas un sou en poche, il n’y a pas une banque qui va me financer! », se souvient Pierre en riant. John Farmer insiste, et Pierre accepte. Ce partenariat début en 1973 et dure 13 ans. L’entreprise lui fournit initialement un Western Star 1969 à cabine simple, avec un Cummins 250 et une 15 vitesses directe.
« Ils m’ont dit que c’était pour transporter autour de Montréal. Ils m’ont joué un tour, la deuxième semaine, ils m’ont envoyé à Winnipeg, avec un voyage de rouleaux de papier. »
C’est ce long voyage qui pousse Pierre à être plus exigeant pour le choix de son camion.
« Je voulais avoir un Kenworth cabover avec sleeper, ou au pire, un Freightliner cabover avec sleeper. Chez Kenworth, il y avait quelques cabovers à 34 500$… Ils n’avaient jamais payé plus cher que 25 000$ pour un camion. Je leur ai dit : je suis moitié-moitié avec vous autres, je peux toujours ben choisir mon truck. C’est là que mon histoire d’amour avec Kenworth a commencé, en juin 1974. »
De fil en aiguille, Pierre embauche des camionneurs propriétaires, achète d’autres camions et fonde l’Express du Midi en 1981.
« On s’est mis à transporter beaucoup vers les États-Unis, avec Westroc. Au début, c’était de 20 à 30 voyages par mois. Ça n’a pas duré longtemps. Au bout de deux semaines, c’était 20 à 30 voyages par semaine. Et peu de temps après, on est passé à 10 à 20 voyages par jour, et jusqu’à 40 voyages par jour. On en montait du Gyproc aux États-Unis. J’avais une belle gang de brokers, je n’avais pas assez de camions pour fournir. En 1988, quand j’ai construit le garage, j’avais 11 camions. »
C’est un voyage épique pour livrer de l’antigel pour avion pour Shell à la base aérienne de Goose Bay au Labrador, en 1986, qui l’amène à fonder sa deuxième entreprise, Audec, qui se spécialise dans le transport de lubrifiants et de produits pétroliers. Et plus récemment, en 2013, Pierre a fait l’acquisition de Transports Delson, qui œuvre dans le transport de matériaux de construction, tout comme l’Express du Midi. Pierre applique la même philosophie aux trois entreprises : un service à la clientèle impeccable, un respect des temps de livraison prévus, et surtout, une flotte de camions qui sort de l’ordinaire.
Des camions de rêve
La flotte de camions de l’Express du Midi ne passe pas inaperçu. Pierre a fait le choix, très tôt, d’acheter des camions classiques, des W900L de Kenworth, de les équiper avec de gros moteurs, et d’offrir tout le confort possible à ses chauffeurs avec un compartiment-couchette Studio.
« Les gens de Kenworth à Seattle me connaissent. On a la plus grosse flotte de W900L Studio avec des moteurs de 600 HP et plus en Amérique du Nord. »
Dire que Pierre est fier de sa flotte, c’est un euphémisme. Des camions chromés, des peintures reconnaissables au premier coup d’œil, le choix de ces gros Kenworth peut sembler à contre-courant des flottes actuelles qui recherchent l’aérodynamisme, les moteurs plus petits de 13 litres et plus de plastique que de chrome. Mais Pierre souligne qu’avec les charges qu’il transporte, l’aérodynamisme ne ferait pas grande différence.
« J’ai fait l’essai des camions aérodynamiques. J’ai acheté un T660. J’ai mis la même mécanique que dans mes W900L. Le meilleur résultat, 0,5 mille au gallon de mieux. La plupart du temps, c’était le même millage. Mes camions travaillent fort, avec un 4-essieux ou un B-train. J’ai toujours acheté des gros camions, bien équipés, avec de gros moteurs. Si j’avais eu à faire faillite, est-ce que je serais encore là après 40 ans, avec la flotte que j’ai aujourd’hui? »
Pierre Aubin a aussi choisi de faire la majeure partie de l’entretien de ses camions et remorques dans leurs propres ateliers. Un choix qui lui permet d’assurer la sécurité de ses camions et de ses chauffeurs.
40 ans après la fondation de l’Express du Midi, Pierre Aubin regarde en arrière avec fierté, et beaucoup de reconnaissance pour sa conjointe Lise qui l’a appuyé dans sa folie, et à ses employés, dont plusieurs sont avec lui depuis plus de 30 ans. Et à 72 ans, il n’est pas prêt à arrêter.
« J’ai encore cette passion, et j’ai peur de mourir d’ennui. J’ai des gens extraordinaires autour de moi. Ça a dépassé tous les rêves que je pouvais avoir, à 100 milles à l’heure. »Toute l’équipe de Transport Magazine félicite Pierre Aubin et l’équipe de l’Express du Midi, de Transport Audec et de Transports Delson, pour un succès bien mérité.