Henri Paré était un entrepreneur né. Depuis la maison à Honfleur, sur la rive sud de Québec, il a tenu une boucherie, le bureau de poste, le stationnement pour chevaux près de l’église, un dépanneur, une station-service, bref, il multipliait les opportunités d’affaires. C’est aussi à Honfleur qu’en septembre 1957, il obtient la concession Chevrolet, à temps pour les voitures d’année-modèle 1958. L’histoire d’amour de la famille Paré avec les véhicules venait de débuter.
Au fil des ans, les camions s’ajoutent aux automobiles, et Henri Paré et fils vendra des noms qui font aujourd’hui partie de l’histoire du camionnage : les Astros, Bisons, Brigadier, General de GMC. Très impliqué partout, Henri Paré est connu de tous et l’entreprise prospère. En 1980, à son décès, Henri Paré lègue une entreprise prospère à ses enfants. Normand, Claudette, Gilles et Réjean Paré prennent donc la relève de ce qui devient Paré Chevrolet Oldsmobile Inc.
En 1988, White Motor Corp., propriété de AB Volvo, forme une co-entreprise avec GM, pour commercialiser la division de camions lourds de GM, et Paré Chevrolet Oldsmobile Inc devient alors concessionnaire autorisé WhiteGMC. Et c’est en 1995 que Volvo abandonne ce nom pour officiellement débuter la fabrication et la vente de camions lourds Volvo en Amérique du Nord. L’association étroite entre Volvo et Paré Centre du Camion venait de commencer.
En 1992, l’entreprise se rapproche des grands axes routiers en déménageant de Saint-Anselme à Lévis, à quelques pas de l’autoroute Jean-Lesage. Quatre ans plus tard, en 1996, une deuxième place d’affaires est inaugurée à Québec.
Mais c’est en 2005 que l’entreprise prend un tout nouvel élan : Normand Paré et ses trois filles, Julie, Marie-Claude et Sarah, deviennent les seuls actionnaires de Paré Centre du Camion. La troisième génération de Paré fait officiellement son entrée.
Tombées dedans quand elles étaient petites
Les sœurs Paré sourient lorsqu’on leur demande de parler de leur arrivée dans l’entreprise. En fait, nous dit Sarah, elles y ont toujours été.
« Notre première job a toutes été ici, en fait dans l’ancien garage à Saint-Anselme. On a toutes été réceptionniste, à la facturation, aux pièces, au service. »
Pour Marie-Claude, tout était clair.
« Dans ma tête, à la fin de mes études, je venais travailler ici. Mais à ce moment-là, il n’y avait pas vraiment d’ouverture au garage, en 2001-2002. On avait des gens en place depuis longtemps. J’ai eu la possibilité comme représentante, dans un autre domaine, et j’ai sauté là-dessus. Après mon 2e enfant, tous les postes où je travaillais avaient été coupés. J’ai dit à papa que je pouvais revenir. Le directeur des pièces prenait sa retraite. C’est ce qui fait que je suis revenue dans l’entreprise. Mais je ne regrette pas d’avoir fait d’autres expériences, d’avoir connu autre chose avant. »
Sarah, elle, qui se décrit comme la plus bohème des trois sœurs, avait d’autres ambitions. Elle poursuit en études internationales et langues modernes à l’université, avec comme intention de devenir traductrice ou interprète.
« À la fin de mes études, papa avait besoin d’une personne à la facturation au service. Je n’avais rien pour l’instant. Alors, je suis venue dépanner en 2006… et je suis restée. Je me levais le matin et j’aimais venir travailler. Julie était là, maman aussi, et travailler avec papa, c’était de l’apprentissage continu. En 2010, le directeur du service est parti, papa m’a regardée et m’a dit « Tu veux la chaise? »… Il m’a mis sur un tas de roches avec une pelle, pis il m’a dit « trouve le sable ».
Normand était fier d’accueillir ses filles au sein de l’entreprise. Mais il ne leur a jamais imposé.
« Ça lui faisait plaisir, mais ça lui amenait un stress aussi », explique Marie-Claude. « Papa voulait qu’on soit parfaite, alors si quelqu’un lui disait qu’on avait fait une erreur, ça lui faisait quelque chose. »
Mais depuis leur tendre enfance, Marie-Claude, Sarah et Julie, qui ne travaille plus au sein de l’entreprise depuis 2018, ont pris part à tous les évènements où Normand les amenait. Et c’est avec nostalgie qu’elles se souviennent de cette enfance plongée au cœur de Paré Centre du Camion.
« Rodéos, funérailles, évènements, salons de camions, c’était une entreprise familiale, nous étions présentes partout », dit Sarah. « Et chaque année, nous étions contentes quand venait le temps de faire l’inventaire, ça nous permettait de voir tout le monde. »
Et de leur père, elle souligne son côté rassembleur.
« Il aimait les gens, et les gens l’aimaient. Il avait besoin d’être entouré. Partout, il rencontrait des gens qu’il connaissait. »
Un rassembleur, mais aussi perfectionniste, et un patron respectueux.
« Envers nous, il était très exigeant », nous dit Sarah. « Avec les employés, il était extrêmement respectueux, loyal. Et on a conservé ça de lui encore aujourd’hui. »
Pour Normand Paré, un client était d’abord un ami de la famille. Et en matière de service à la clientèle, il attendait de tous rien de moins que le mieux, souligne Marie-Claude.
« Ici chez Paré, la priorité a toujours été de donner un bon service, et que le client sorte d’ici en disant à tout le monde à quel point il avait reçu un bon service. Chaque fois qu’il challengeait quelqu’un dans l’équipe, c’était pour s’assurer que le client soit satisfait. Papa nous amenait à nous surpasser. C’est un héritage important qu’il nous a laissé, cette vision du service à la clientèle. »
Héritage, car malheureusement, Normand Paré est décédé trop tôt, en 2017. Depuis, ses filles assurent la relève.
D’hier à aujourd’hui, et vers demain
Le départ de Normand Paré a bien entendu secoué la famille, et tous les membres de l’équipe de l’entreprise. Mais malgré le deuil et la tristesse, ses filles ont convenu de poursuivre l’aventure de l’entreprise familiale. Elles ont d’ailleurs mené à bien un projet qui avait pris naissance avant le décès de Normand, la rénovation complète du siège social à Lévis, dont la construction remontait à 1963.
Les nouvelles installations, résolument modernes, ont été inaugurées l’automne dernier. Des bureaux tout neufs, une réception lumineuse et accueillante, un comptoir de pièces accessible tant pour les clients externes que pour le département de service, un entrepôt de pièces vaste et dernier cri, du rangement pratique pour les outillages spécialisés, sans compter une grande cafétéria et une salle d’exercice pour les employés, une salle d’attente pour les clients, rien n’a été négligé pour faire de ces nouvelles installations un endroit agréable pour y travailler, et accueillant pour les clients.
« Nous sommes fières de notre nouvelle bâtisse », dit Marie-Claude. « Il n’y a pas de luxe, mais on y est bien, ça travaille bien, tout le monde a de vrais bureaux, tout va ensemble, tout est fonctionnel. Avec ce projet, nous voulions aussi démontrer que nous étions capables de continuer ce que notre père a commencé, et que nous avions envie de le faire. Parce que nous aimons ça, nous sommes passionnées par notre entreprise et par notre industrie. »
Marie-Claude et Sarah parlent maintenant, avec le sourire, de la version 2.0 de Paré Centre du Camion.
« Ça fait 60 ans que Paré est en affaires et que ça fonctionne bien », dit fièrement Sarah. « On a une bonne recette pour servir nos clients, vendre des camions, des pièces, et réparer nos camions. On ne commencera pas à tout changer. Le service à la clientèle, c’est simple : tu as un client, tu le satisfais, il revient. Paré a une notoriété importante dans le domaine. On continue de faire ce qu’on a toujours fait, en l’améliorant toujours, sans s’asseoir sur nos lauriers. »
Au moment d’écrire ces lignes, Paré Centre du Camion s’apprêtait d’ailleurs à obtenir la certification Uptime de Volvo, un travail qui s’est échelonné sur plusieurs années, pour assurer l’excellence dans le service à la clientèle. D’ailleurs, Marie-Claude n’hésite pas à souligner l’appui important que l’entreprise reçoit des deux bannières, Volvo et Isuzu.
« On a une très bonne relation, et de bonnes ventes avec Volvo et Isuzu. Ils nous appuient beaucoup. Les gens d’Isuzu et de Volvo étaient présents à l’inauguration de la nouvelle bâtisse. »
Sarah renchérit.
« On les connaît et ils nous connaissent. Ils peuvent se fier sur nous, et nous sur eux. On a une bonne réputation chez Volvo, et à l’inverse, on est vendu Volvo. Ils connaissaient très bien papa, ils nous ont vu grandir ici. Quand papa est décédé, on a dû redemander la bannière. Personne n’a été surpris que Marie-Claude et moi venions faire la demande. On a un excellent soutien de leur part depuis le décès de papa. »
Mais au-delà de l’appui des deux bannières, Marie-Claude et Sarah sont reconnaissantes du soutien de leur équipe et de leur clientèle.
« C’est l’équipe qui fait notre réussite », dit Marie-Claude. « L’expérience totale qu’on a dans nos deux établissements, ça vaut pour beaucoup dans notre réussite. »
Cette expérience fait d’ailleurs, selon elle, toute la différence pour les clients de l’entreprise.
« D’arriver ici et de savoir que la personne qui va travailler sur ton camion est expérimentée avec le produit et qu’elle connaît ton camion, ça aussi ça fait une différence. Et même si c’est un nouveau qui travaille sur ton camion, tu sais qu’il a été formé par des gens d’expérience. »
Marie-Claude et Sarah, toujours appuyées par leur mère et conseillère Lise Dufresne, présidente de l’entreprise, et par leur sœur Julie qui même sans y être quotidiennement continue d’être présente avec elles, sont aujourd’hui bien en selle, confiantes et fières de leurs accomplissements, et de la poursuite de l’entreprise familiale.
Des projets pour l’avenir? Elles en ont, bien entendu. Mieux s’implanter dans leur vaste territoire, accroitre les ventes de camions neufs, tout en restant fidèles à l’approche familiale de l’entreprise. Après tout, la recette de Henri et de Normand Paré a fait ses preuves. Pourquoi la changer?
Par Claude Boucher
Transport Magazine