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Guerre de tarifs Canada-USA sur l’acier et l’aluminium – Les manufacturiers d’équipements de transport s’inquiètent

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Les tarifs douaniers imposés en juin par l’administration Trump sur l’acier et l’aluminium canadiens, et la riposte canadienne notamment sur ces mêmes matériaux, préoccupent les fabricants d’équipements de transport et ce, des deux côtés de la frontière. L’Association d’équipement de transport du Canada, l’AETC, dénonce ce qu’elle qualifie d’action illégale du gouvernement américain, tandis que la NTEA, ou la Association for the Work Truck Industry, se dit préoccupée de la décision du président Trump d’imposer des tarifs qui, selon elle, augmenteront les coûts des manufacturiers de camions et d’équipements de transport.

Don Moore, le directeur des relations gouvernements et industrie à l’AETC ne cache pas son inquiétude. Et il n’est pas le seul. En juin, la Coalition des manufacturiers canadiens, qui regroupe de nombreuses associations sectorielles de l’industrie manufacturière, a tenu une téléconférence avec des haut-fonctionnaires d’Affaires mondiales du Canada sur la question. Et plusieurs manufacturiers canadiens de l’industrie des équipements de transport ont participé à cette rencontre téléphonique.

« Ils sont inquiets, c’est certain », nous dit Don Moore. « Une bonne part de cette rencontre a porté spécifiquement sur les inquiétudes des membres de l’AETC. Et si nous comprenons et appuyons les mesures de rétorsion à l’encontre des États-Unis et les tarifs imposés par Ottawa, nous avons souligné que ces tarifs sur l’acier et l’aluminium américains auraient un impact négatif important sur l’industrie de la fabrication de remorques et de camions vocationnels. »

Cette rencontre s’est terminée par une invitation aux participants à transmettre leurs préoccupations à leurs partenaires d’affaires et clients américains, et à leur souligner les impacts négatifs de ces tarifs des deux côtés de la frontière.

L’AETC est particulièrement préoccupée par l’effet combiné des tarifs américains et canadiens. Comme les manufacturiers canadiens d’équipements de transport dépendent dans de nombreux cas de plaques et d’extrusions qui ne sont disponibles que du côté américain, les tarifs peuvent provoquer une hausse des coûts suffisantes pour rendre les produits canadiens non-concurrentiels chez nos voisins du sud. Et si d’autres industries peuvent se rabattre sur des exportations ailleurs qu’aux États-Unis, les fabricants d’équipements de transport ne bénéficient pas de ce « plan B », en raison des grandes différences techniques et législatives entre l’Europe et l’Amérique du Nord en matière de transport.

Don Moore, directeur des relations gouvernement et industrie de l’AETC

Pas de panique, mais…  

Les manufacturiers de remorques et autres équipements sont inquiets, certes, mais pas encore au point d’appuyer sur le bouton panique. Le président de Manac, Charles Dutil, voit dans cette guerre de tarifs une étape dans un processus de négociation, notamment sur l’ALÉNA.

« C’est peut-être mon côté optimiste, je crois toujours sincèrement que c’est une étape de plus dans une négociation difficile et serrée, qui va finir par une entente satisfaisante pour tout le monde. Je pense que le bon sens financier et économique de l’Amérique du Nord va finir par triompher. Il y a de toute évidence un homme à la tête des États-Unis qui est imprévisible dans ses comportements, mais quelque part il y a aussi 300 millions d’Américains, 35 millions de Canadiens, il y a des milliards d’échanges entre les deux pays à tous les jours. Le gros bon sens économique doit prendre le dessus. »

Charles Dutil souligne que l’incertitude économique créée par les tendances affichées du président Trump pour le protectionnisme a d’ailleurs déjà eu des effets à la hausse sur le prix de l’acier, qui a connu une augmentation forte et constante depuis 2017.

« Avec la dynamique des coûts des métaux des six derniers mois, indépendamment des tarifs douaniers, les équipements sont, de façon générale, plus dispendieux qu’il y a 12 ou 18 mois. C’est une réalité. Mais personne ne peut dire si dans six mois le prix de l’acier va redescendre ou non. La plupart des gens qui suivent le cours des métaux anticipent une certaine baisse. Mais personne ne pense qu’il va baisser au niveau où il était il y a deux ans. »

Chez Deloupe, Michel Lesage souligne que la difficulté à recevoir rapidement des composantes essentielles, comme les essieux et suspensions, préoccupe bien plus que la question des tarifs douaniers.

« Dans l’industrie, certaines composantes n’ont pas beaucoup de fournisseurs. On vit donc des délais avec nos fournisseurs. On est dans une industrie en surchauffe. Mais l’impact des tarifs ne se vit pas encore. C’est un sujet dont on se parle. Oui, ça fait partie de nos préoccupations. On entre en plan stratégique au retour des vacances, et c’est une question qui sera abordée. Mais notre carnet de commandes est bien rempli. »

Manac possède des usines des deux côtés de la frontière, dont une à St-Georges de Beauce, et l’autre au Missouri. Chacune des usines s’approvisionne en acier principalement dans son pays, les tarifs ne s’appliquent donc pas. Mais pour l’aluminium, l’absence de capacité des usines canadiennes de transformation à produire certains types d’extrusion force Manac à recourir à des fournisseurs américains.

« Dans nos produits, que ce soit dans le fourgon, les planchers d’aluminium, dans nos bennes basculantes, on a des extrusions de dimensions que les extrudeurs canadiens ne peuvent pas nous fournir. On a de bons extrudeurs au Canada, mais pour de plus petites extrusions. Si les Américains imposent un tarif sur l’aluminium canadien, et qu’ensuite on ajoute des tarifs sur les extrusions qui rentrent au Canada, ça pourrait être tannant. J’imagine qu’il y aura peut-être une déduction qu’on pourra appliquer, mais on ne le sait pas pour l’instant. »

Michel Lesage, directeur national des ventes et du marketing Deloupe

À l’AETC, la présidente Suzy Léveillé et le directeur des relations gouvernement-industrie Don Moore ont d’ailleurs souligné cette problématique lors d’une rencontre privée avec Jillian Rose White d’Affaires mondiales Canada. L’AETC a spécifiquement demandé à ce que des exemptions soient prévues, pour éviter que les tarifs canadiens sur l’acier et l’aluminium américains se répercutent en hausse de coûts qui pourraient rendre les produits canadiens non- concurrentiels.

Impact sur le transport?

La guerre commerciale déclarée par Washington avec son principal partenaire, nous, pourrait par ailleurs avoir des retombées négatives sur l’ensemble du transport nord-sud. Pour Charles Dutil de Manac, cette inquiétude surpasse celle des tarifs sur l’acier et l’aluminium.

« Chez Manac, l’impact le plus risqué, c’est un ralentissement possible du transport Canada-États-Unis, qui viendrait affecter la demande de nos produits. Pour moi, il est là, le risque. Avec l’insécurité qu’on voit présentement, ça nous amène dans un environnement où le niveau de transport, qui est présentement très bon, pourrait ralentir. Et un ralentissement dans le transport amène inévitablement un ralentissement dans les équipements de transport. »

Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec, admet que la question est soulevée par ses membres.

« J’ai des commentaires, des préoccupations, des inquiétudes qui se sont manifestées. Je voyais que pour certains manufacturiers, notamment ceux qui sont dans la fabrication de citernes, ça pourrait dire de fortes augmentations. Est-ce qu’on m’a retourné une évaluation de l’impact ? Non. Mais je peux dire qu’il y a une insécurité, et il y a une appréhension devant un possible impact dans le transport. On garde ça à l’œil. »

Un appui du côté des USA

Du côté américain, les appels à l’abolition de ces tarifs américains et canadiens retentissent chez la plupart des grandes associations d’affaires.

La Association for the Work Truck Industry (NTEA) partage les inquiétudes de l’AETC au Canada.

« Nous sommes préoccupés par les récents développements concernant les tarifs sur l’acier et l’aluminium, tant aux États-Unis qu’au Canada », nous dit Steve Carey, directeur exécutif de la NTEA. « Bien que nous ne puissions être certain de l’effet concret qu’auront ces tarifs sur les prix de la matière première pour nos membres, ces tarifs augmenteront assurément le coût de construction de plusieurs camions, carrosseries et équipements produits par nos membres. De plus, nous sommes inquiets devant la possibilité que d’autres actions liées aux tarifs puissent affecter négativement l’industrie du camion vocationnel des deux côtés de la frontière. »

Steve Carey, directeur exécutif de la NTEA

La Chambre de commerce des États-Unis dédie même des pages entières de son site Internet à cette opposition, sous le titre de « Tariffs are the Wrong Approach » (https://www.uschamber.com/tariffs).

L’Association n’hésite pas à affirmer que ces tarifs ne sont rien d’autre qu’une augmentation de taxes pour tous les consommateurs et entreprises américaines. Elle souligne aussi que les tarifs imposés par les autres pays en représailles à la décision de Washington auront pour effet de rendre les entreprises américaines non-concurrentielles et d’entrainer des pertes d’emplois.

Certains cas ont d’ailleurs été rapportés dans les médias, dont cette usine de clous au Missouri qui craint devoir fermer ses portes en raison de l’augmentation de ses coûts, puisque l’acier nécessaire à la fabrication de ces clous vient de la mexicaine Deacero. Cet acier est frappé par le tarif imposé par Donald Trump, mais pas les clous finis importés, qui sont maintenant avantagés.

Par ailleurs, certains fournisseurs d’acier et d’aluminium brut, ou encore des manufacturiers hors des États-Unis, pourraient saisir l’occasion pour accroitre leur production de produits semi-finis ou finis, et ainsi échapper aux tarifs douaniers. Charles Dutil de Manac rappelle d’ailleurs que l’origine même des aciers Canam au Québec est liée au conflit de l’acier entre l’Europe et les États-Unis au début des années 60.

« Canam était capable d’importer de l’acier européen qui entrait au port de Québec, de le transformer en poutrelles d’acier, et de vendre ces poutrelles sur le marché de Boston, à un prix moindre, à la tonne, qu’une tonne d’acier brut importée aux États-Unis, à cause des hauts niveaux de tarifs imposés à l’acier européen. Ce qu’on vit là peut provoquer le même phénomène. »

Optimiste, Charles Dutil souligne toutefois que si la guerre commerciale se poursuit, les impacts sur les coûts seront bien réels.

« On peut à court terme contrôler et minimiser les variations de coût. Par des contrats futurs, du pre-booking pour l’aluminium et l’acier, des ententes avec nos principaux fournisseurs, on peut contrôler à court terme les fluctuations, pendant un trimestre ou deux. Mais à long terme, on ne peut pas. »

Par Claude Boucher

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