L’ACQ demande une harmonisation de la réglementation interprovinciale

À l’initiative du Conseil canadien du commerce de détail, plusieurs représentants d’industries phares de l’économie du Québec, dont l’Association du camionnage du Québec (ACQ) ont cosigné une lettre publiée dans La Presse le 8 février 2025, plaidant pour une harmonisation de la réglementation interprovinciale et ainsi « bâtir une économie plus résiliente, capable de mieux résister aux chocs externes ».
Un appel au changement qui fait directement écho au bras de fer économique qui oppose le Canada aux États-Unis et dans lequel l’industrie du camionnage occupe un rôle de premier plan. Le risque de hausse significative des tarifs douaniers oblige le pays à repenser sa souveraineté nationale. « Les flux de marchandises intérieurs sont alors déterminants pour protéger la dynamique économique du Canada », affirme Marc Cadieux, président-directeur général de l’ACQ.
Les signataires de la lettre évoquent une réglementation « en vase clos » dans le cas du Québec, qui oblige les entreprises à « jongler avec des exigences différentes d’un marché à l’autre ». Tous appellent le Gouvernement à faire de cette harmonisation des règles une priorité pour limiter notre dépendance aux marchés extérieurs.
Marc Cadieux s’est exprimé le 4 mars dernier, sur les ondes de LCN, pour rappeler la nécessité d’harmoniser la réglementation entre les provinces. Une demande de longue date de l’industrie qu’on doit « arrêter simplement d'évoquer » pour « passer à l’action ». Il a également souligné le rôle clé du transport routier dans les échanges avec les États-Unis et ses inquiétudes à l’endroit des entreprises dont la majorité des échanges s’effectue de l’autre côté de la frontière. Voici la lettre publiée dans La Presse :
Après un mois de suspension des hausses tarifaires, le gouvernement Trump a confirmé, ce mardi 4 mars, l’imposition de droits de douane de 25 % sur les produits canadiens. L’ACQ s’exprime tout au long de la semaine dans les médias pour rappeler l’incidence directe de cette hausse sur l’industrie du camionnage, aux premières loges du conflit commercial qui nous oppose à notre pays voisin.
À l’heure où les tensions commerciales avec les États-Unis nous rappellent notre dépendance aux marchés extérieurs, il est plus que jamais essentiel de renforcer notre marché intérieur. Pourtant, une entrave demeure que nous avons créée de toutes pièces : les barrières interprovinciales.
On parle souvent de ces barrières comme s’il s’agissait uniquement de questions fiscales ou tarifaires. En réalité, elles sont bien plus nombreuses et insidieuses. Chaque province, chaque territoire et même certaines villes adoptent des règles, des règlements et des lois qui, par leur simple existence, créent des obstacles au commerce entre nous.
Prenons un instant pour en mesurer l’ampleur : transport, fabrication, protection du consommateur, emballage, étiquetage, matériaux utilisés, normes environnementales, permis requis, qualifications professionnelles reconnues… et la liste continue. Chacune de ces réglementations a été mise en place avec, au départ, une intention louable : protéger l’environnement, encadrer le commerce, assurer la sécurité du public ou encore préserver certaines spécificités locales.
Mais à chaque fois qu’une province adopte une nouvelle règle sans l’arrimer avec ses voisins, elle érige un mur invisible qui rend plus difficile la circulation des biens et des services à travers le pays.
Cette situation a un coût réel et significatif. Une étude de Deloitte en 2021 estimait que la suppression des barrières interprovinciales pourrait augmenter le PIB canadien de 3,3 %, soit environ 54 milliards de dollars. De plus, une analyse du Macdonald-Laurier Institute en 2022 évaluait que la libéralisation complète du commerce intérieur pourrait générer entre 75 et 140 milliards de dollars supplémentaires pour l’économie canadienne. Ces sommes colossales ne sont pas simplement théoriques : elles représentent des salaires plus élevés, du potentiel de croissance pour nos entreprises et une économie plus robuste.
Éviter le vase clos
Depuis des années, nous et plusieurs organisations économiques avons répété ce constat : le Québec ne doit pas se réglementer en vase clos. Ce principe ne signifie pas que nous devons renoncer à nos choix et à nos priorités, mais que nous devons les inscrire dans une vision plus large. Une réglementation qui diffère trop de celles des autres provinces finit par pénaliser nos propres entreprises, qui doivent jongler avec des exigences différentes d’un marché à l’autre.
Ce problème d’harmonisation ne se limite pas aux provinces : même les ministères, à l’intérieur d’un même gouvernement, peinent parfois à coordonner leurs réglementations lorsqu’elles touchent des juridictions différentes. Cette fragmentation se reflète aussi au niveau municipal. Par exemple, sur un dossier aussi important que l’environnement, le projet de loi 81 actuellement à l’étude pourrait modifier discrètement l’équilibre réglementaire en accordant aux villes une prérogative accrue pour adopter leurs propres règles, même si le gouvernement du Québec fixe déjà des normes globales. Un tel morcellement des politiques publiques crée de l’incertitude pour les entreprises et complique la mise en œuvre de stratégies cohérentes.
Ce problème est d’autant plus préoccupant que les analyses économiques qui accompagnent ces règlements sont souvent incomplètes. Elles prennent en compte leurs effets sur le Québec, mais rarement leur impact sur le commerce avec le reste du pays.
Or, il suffirait d’adopter un réflexe simple : avant d’adopter une nouvelle règle, qu’on se questionne sur sa cohérence avec celles des autres provinces et qu’elle ne vient pas ajouter un niveau de complexité supplémentaire.
Ce n’est pas un enjeu théorique ni une question secondaire. Dans un monde où nos entreprises doivent déjà composer avec des conditions économiques difficiles, leur imposer des obstacles supplémentaires à l’intérieur même du Canada n’a aucun sens.
Si nous voulons bâtir une économie plus résiliente, capable de mieux résister aux chocs externes, commençons par faciliter les échanges entre nous. Il est temps que le Québec prenne ce virage et que l’ensemble du pays adopte cette approche avec la même conviction.
Nos entreprises sont prêtes. Nos organisations économiques continueront de plaider en ce sens. Il ne reste plus qu’aux gouvernements d’en faire une priorité.
Les cosignataires de cette missive sont :
Karl Blackburn, à ce moment président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec (CPQ);
Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ);
François Vincent, vice-président Québec de la Fédération Canadienne de l’Entreprise Indépendante (FCEI);
Julie White, présidente et directrice générale de Manufacturier et Exportateur du Québec (MEQ);
Véronique Proulx, présidente-directrice générale de la Fédération des Chambres de Commerce du Québec (FCCQ);
Marc Cadieux, président-directeur général de l’Association du camionnage du Québec